Il sentait son regard pesant et cela le perturbait. Depuis le début de la soirée, il était resté plutôt silencieux mais intervenait toujours au bon moment et dés qu'il prenait la parole tous se tournait vers lui en attente d'une approbation divine. Il était beau et calme. Accoudé au dossier de sa chaise, assis en bout de table, les jambes croisées, le menton posé au creux de la main, il répandait une aura mystique et apaisante tel le loup alpha qui veille sur son territoire. Même lui, qui n'était que très rarement déstabilisé par d'autres, se voyait pertubé par sa présence. Il avait beau essayer de l'ignorer et de s'accaparer l'attention en contant des histoires accompagnées de grands gestes, il comprenait bien qu'il n'était qu'une coquille vide face à lui et à sa présence d'esprit. Tandis qu'il n'était invité que très rarement et n'avait jamais réussi à se sentir totalement intégré, lui était profondément aimé. De l'autre bout de la table, en dépit de l'intérêt que semblaient porter ses spectateurs pour ses récits, il le jalousait, lui et le regard perçant de ses yeux bleus. Il semblait naturellement admirable et il voyait en lui toutes les qualités qu'il n'avait pas. Certes, il réussissait sans grande difficultés à se construire un public et à plaire, mais cela ne durait jamais très longtemps et jamais il n'avait captivé quelqu'un autant que lui le captivait.
Il voyait également la façon dont Athéna le regardait. Sublime et spontanée, elle était la fille dont il avait toujours rêvée et dés lors qu'il était arrivé, il n'avait vu qu'elle et tentait de tout mettre en oeuvre pour la séduire, mais malgré son amabilité et son attention apparente, il la surprit fréquemment se retourner furtivement pour le dévorer des yeux. Il voyait tous les petits signes qu'elle lui envoyait, ses regards timides mais répétés, son sourire éperdu dés qu'il parlait. Il arrivait beaucoup trop tard, elle était déjà conquise par ce blond ténébreux. Et puis, il la comprenait. Lui n'était qu'un imposteur, il ne pourrait jamais être aussi passionnant que son adversaire. Terrassé par le goût amer de la défaite, il se préparait à tenter une ultime manoeuvre pour tenter d'obtenir un sourire d'Athéna, lorsque de l'autre côté de la table, son opposant se leva brusquement, enfila son long manteau noir, salua brièvement tous le monde, et quitta la soirée. Il voyait Athéna rester de longues secondes à regarder dans sa direction, comme espérant son retour.