Il sortit du métro, à travers ses écouteurs Lana Del Rey chantait "Happiness is a butterfly", il sourit amérement : quel cliché ! Il marcha en direction des quais du fleuve qui bordait la ville. Le ciel était encore bleu, c'était un soir d'été et malgré l'heure tardive il faisait encore jour, le soleil commençant seulement à se coucher. Sur les quais, des groupes de personnes se rassemblaient pour profiter de cette belle fin de journée, écouter de la musique tout en buvant quelques bières. Il y eut une époque où lui aussi, avait pour habitude de venir ici accompagné d'amis, aujourd'hui il était seul. Il s'arrêta prés d'une petite place où des gens dansaient sur de la musique classique diffusée par de vieilles enceintes, il aimait cette place, des personnes y venaient chaque jour offrir ce merveilleux spectacle sous le soleil couchant, il les trouvait particulièrement admirables. Bien que majoritairement composés de personnes agées, il y avait des danseurs de tout âge et de tout style et cela lui plaisait : tous se partageaient la place sans conflit, la fluidité et la cohésion de la scène ne la rendant que plus belle à ces yeux. Parfois il s'arrêtait une heure ou deux pour regarder ces personnes croquer la vie à pleines dents et cela suffisait à l'apaiser. Il s'assit et alluma une cigarette. Il observa un long moment les brins de tabac qui se consumaient, au final en la fumant, il ne faisait que se consumer lui même.
Une dame âgée interrompit le cours de ses pensées en lui demandant gentillement une danse. Elle était très élégante et, cela se voyait, elle s'était spécialement apprêtée pour venir ici. Elle avait l'air déçue de n'avoir aucun cavalier et il trouvait cela extrêmement touchant qu'elle ait eu le courage de proposer à un total inconnu, d'autant qu'il était beaucoup plus jeune qu'elle, de l'accompagner sur la piste. Mais il ne savait pas danser, était-ce de la valse ? du tango ? Il n'avait jamais appris tout cela et ne voulait pas briser la sublime cohésion des danseurs. Il refusa poliment. La dame insista, elle lui dit qu'elle lui apprendrait, et qu'il fallait bien se lancer un jour. Pris d'un courage soudain et d'une grande sympathie pour cette douce dame, il finit par accepter.
C'était la première fois qu'il voyait le spectacle de l'intérieur. Il se perdait souvent dans la danse et s'excusait régulièrement mais sa digne cavalière le guidait merveilleusement. Au bout de quelques minutes, il commençait à apprécier le moment. Il s'émerveillait de la courtoisie et de la légèreté de sa partenaire. Il souriait : ils formaient un étrange duo mais cela ne l'importait pas, cette fabuleuse et innocente femme embellissait sa journée.